La Fed, incomprise : de la bonne surprise à la mauvaise blague ?

Sans surprise, la magie de la volte-face de la FED de mercredi soir a opéré sur les marchés mondiaux. Les bourses ont salué comme il se doit la nouvelle dans la journée de jeudi, soutenues par l’ascension des indices obligataires, souverains et entreprises, l’ensemble devancé par des cours du pétrole revigorés. En parallèle, le repli du dollar joue comme une courroie de transmission de la politique de la FED et permet, à ce titre, d’atténuer la tension monétaire dans le reste du monde. S’il y a bien quelques perdants, ces derniers comptent assez peu. La bourse de Shanghai, qui s’est d’ailleurs reprise vendredi, devrait également finir par bénéficier d’un environnement conjoncturel plus porteur anticipé par les marchés depuis mercredi soir.

De fait, la logique en place soulève, jusque-là, assez peu de questions. Après un mois d’octobre particulièrement morose, les marchés détricotent presque point par point ce qui a caractérisé les dernières semaines, au prix notamment de rotations sectorielles de rare ampleur, qui témoignent des bouleversements sous-jacents provoqués par le changement, coup sur coup, de posture de la BCE et, plus encore, de la FED.

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Au milieu du gué : risques et complexité des perspectives

Signe des temps, les choses vont vite. A peine publié fin mars, notre scénario trimestriel était déjà malmené. Si le temps écoulé depuis permet d’ajuster notre diagnostic sur certains éléments-clés, les perspectives ont néanmoins gagné en complexité, incertitudes et facteurs de risques. Où en est-on ?

Conséquence d’un premier trimestre décevant, de l’envolée des taux d’intérêt, de la paralysie chinoise et d’une guerre prolongée, notre scénario 2022 subit un nouvel ajustement à la baisse : la croissance mondiale que nous avions chiffrée à 3 % ne dépasserait pas 2,5 %, malgré un acquis de 1,7 % à fin 2021. C’est surtout, néanmoins, sur la capacité de rebond en 2023 que se multiplient les questionnements. À ce titre, le scénario de stagnation-récession développé par la Banque d’Angleterre pour le Royaume-Uni ne laisse pas d’interpeller tant il pourrait s’appliquer pour le plus grand nombre…

Sur le front de l’inflation, comme la plupart des économistes, nous courrons après le point haut, sans cesse réévalué et décalé dans le temps. Pour autant et malgré des interrogations persistantes sur le niveau d’atterrissage, la probabilité d’un repli de l’inflation au second semestre reste dominante.

Cette combinaison suffira-t-elle pour stopper le resserrement monétaire en cours ? La détermination affichée par les banques centrales n’incite pas à le penser mais le changement de contexte financier est une variable importante de cette équation. Or, manifestement, ces dernières auront besoin de prétextes pour atténuer le degré de contrainte financière que leur politique engendre. Le plus probable reste que ni la Fed, ni la BoE ou la BCE ne pourront aller jusqu’où elle l’envisagent en matière de normalisation monétaire.

Notre prévision d’un repli des anticipations de hausse des taux reste donc de mise mais soulève bien des questions sur ses conséquences pour la partie longue des courbes de taux. Trois conditions permettraient que les banques centrales ne perdent pas la face en donnant l’impression de capituler face à des perspectives d’inflation durablement supérieures à leur objectif : un risque accru de récession, un profond ajustement des marchés financiers, un effondrement des prix des matières premières, chacun étant en mesure de raviver, à un moment donné, le spectre de la déflation.

Autant dire que la visibilité n’est pas sur le point de s’améliorer et que l’instabilité et les risques de volteface des marchés ont tout lieu de durer.

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Si les banques centrales perdent la main, d’où viendra le coup d’arrêt à la hausse des taux ?

Qui se souvient de ce que provoque l’inflation et à quel point son retour change la donne des rouages économiques et financiers ? Même les pays plus récemment touchés par des crises inflationnistes l’ont été dans un environnement mondial duquel elle avait disparu et n’ont qu’une expérience relative de ce qu’elle signifie. L’inflation de ces derniers mois a bien peu à voir avec celle des épisodes cycliques traversés depuis le milieu des années quatre-vingt, que l’on pouvait dominer à coup de règle de Taylor. Elle provient d’une succession de chocs d’offre inédits qui, ajoutés à la perspective d’une saturation des ressources globales, prennent, à tort ou à raison, une connotation prémonitoire. Les enjeux ne se résument, à l’évidence, pas aux effets escomptés de l’envolée des prix des matières premières consécutive à la guerre russo-ukrainienne, ni à l’empêchement des usines chinoises à approvisionner le monde en produits indispensables. Ils englobent des questions beaucoup plus fondamentales inhérentes au vieillissement démographique, aux menaces climatiques grandissantes et à une géopolitique en mutation fulgurante, dont une des conséquences est d’accélérer la fin d’un cycle de mondialisation dont les excès ont conduit les politiques monétaires dans les retranchements dont on comprend mieux, aujourd’hui, l’hérésie.

Le diagnostic conjoncturel de l’inflation, qui conduit la plupart des économistes, nous y compris, et banques centrales à privilégier le repli de celle-ci, au moins de manière temporaire, à partir du second semestre, s’en trouve de jour en jour plus discrédité. C’est ce que nous renvoie la remontée persistante des taux d’intérêt que les anticipations de politique monétaire ne parviennent plus à expliquer : les annonces de la FED cette semaine ont bien stoppé l’ascension des taux à 3 mois et freiné celle des deux ans mais ont échoué à limiter la casse sur les échéances à plus long terme, au contraire de ce qu’elles auraient dû faire si elles avaient été crédibles. Les banques centrales ne parviennent plus à convaincre de leur capacité à stopper l’inflation et perdent en conséquence la main sur le processus de formation des taux d’intérêt longs. Comment, dès lors, envisager la suite ?

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Changement de donne sur le marché souverain ; la BCE pourrait-elle se voir pousser des ailes ?

La perspective d’un durcissement des conditions monétaires de la BCE a, le plus souvent, été associée à la probabilité accrue de nouveaux épisodes de tensions souveraines des pays les plus vulnérables de l’union monétaire. L’Italie, même sous l’aile protectrice d’un Mario Draghi, ne semblait guère préparée à ce virage annoncé, pas plus que l’Espagne, où les stigmates de la crise sanitaire menaçaient de peser durablement sur sa croissance structurelle. Quant à la France, nombreux étaient tentés de l’associer aux pays à risque au vu de la dérive de ses comptes publics depuis deux ans.

L’envolée de l’inflation et la survenance du conflit en Ukraine pourraient-ils avoir changé la donne ? La question se pose à voir les évolutions récentes du marché, qui, loin d’illustrer les risques redoutés témoignent d’un certain apaisement des écarts de taux d’intérêt entre les pays traditionnellement les plus vulnérables et le benchmark allemand, réputé sans risque.

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Le prêche de l’économiste face à la bulle

Ah qu’il est inconfortable le rôle de l’économiste dans un contexte de bulle, déchiré entre son devoir d’impartialité face à des fondamentaux qui ne lui permettent pas de justifier ce qu’il observe du comportement des marchés et le risque de s’obstiner face à une réalité qui pourrait lui échapper.

Après trois bulles en moins de vingt ans, il devrait pourtant être blindé mais tel n’est jamais le cas car domine toujours l’espoir qu’il se trompe et la préférence collective pour l’illusion. À quoi peut-il dès lors servir sinon à continuer de faire ce qu’il est supposé savoir faire : peser, soupeser, veiller à faire abstraction de ce qui pourrait biaiser son diagnostic pour s’assurer de comprendre l’équilibre qui anime les marchés et être en mesure d’anticiper ce qui pourrait rompre la dynamique en place pour prévenir de ce qui, fondamentalement, le préoccupe le plus, l’après-bulle !

 

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Difficile de trouver des justifications solides à la remontée récente des taux longs

Dans la foulée du consensus et de l’OCDE, le FMI a annoncé cette semaine une nouvelle révision à la baisse de ses prévisions de croissance pour l’économie mondiale. Depuis le début du printemps, les perspectives internationales n’ont de cesse d’être revues à la baisse et ce ne sont pas les dernières tendances en provenance d’Europe, des États-Unis ou de la Chine qui viendront contredire ce mouvement. De leur côté, les perspectives d’inflation s’écrasent sous les effets combinés de la fragilité de la demande, des tensions concurrentielles qu’alimente la guerre commerciale et du regain de faiblesse des cours du pétrole. Conséquence de cet environnement, les anticipations de baisse des Fed Funds sont encore montées d’un cran après les mauvaises nouvelles de cette semaine. La période d’assouplissement monétaire semble, de fait, bien partie pour durer avec à la clé de nouveaux programmes d’achats d’actifs de la part de la BCE et maintenant de la FED (60 mds/mois d’achats de bons du Trésor pour apaiser les tensions du marché interbancaire américain). Malgré tout, les taux d’intérêt futurs se tendent ces derniers temps. Comment interpréter ce mouvement et quels sont les risques qu’il se développe ?

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Un mauvais rapport sur l’emploi rassure les bourses ; vive la Fed ! Mais les T-notes doutent

Après les mauvaises nouvelles en provenance de l’économie américaine de ces derniers jours et le vif retour de volatilité qui s’en est suivi sur les bourses mondiales, d’aucuns auraient pu redouter qu’un mauvais rapport sur l’emploi crée plus d’inquiétude et attise les pressions baissières sur les marchés. Que nenni ! Le rapport est tellement mauvais qu’il rassure : la FED, c’est certain, viendra à la rescousse, semblent nous dirent les marchés d’actions. Contrairement à ce qu’avait indiqué J. Powell au sortir du dernier FOMC du 18 septembre, les anticipations d’une nouvelle baisse des taux des Fed Funds fin octobre se sont imposées ces derniers jours. Malgré le repli du taux de chômage de deux dixièmes à 3,5 % qui, en des temps plus anciens, aurait pu faire redouter une accentuation des tensions inflationnistes, la forte baisse du taux de croissance annuel des salaires à 2,9 % lui redonnerait la latitude que les tendances récentes de l’inflation lui avait confisquées…

La réaction des marchés obligataires n’est pas aussi enthousiaste, cependant. De fait, la chute du taux de chômage semble susciter plus de questions quant à la perspective d’une FED possiblement trop conciliante…

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Le vieillissement démographique, une garantie de taux bas ou de QE à l’infini ?

Quel serait le niveau des taux d’intérêt sans les politiques quantitatives ? Les banques centrales sont-elles responsables de la chute inédite du loyer de l’argent ou ne font elles qu’accompagner une tendance inéluctable inhérente au vieillissement démographique ? Et, si tel est le cas, pourquoi poursuivre sur la voie de pratiques aussi extrêmes dont elles risquent, à terme, d’être les propres victimes ? Il n’est pas difficile de comprendre les mécanismes par lesquels la montée en âge des populations peut simultanément conduire à de moindres rythmes de croissance, d’inflation et de productivité justifiant un affaissement du niveau d’équilibre des taux d’intérêt. S’arrêter à ce stade laisse toutefois de côté un autre aspect essentiel des conséquences du vieillissement démographique : celui d’exposer, à terme, nos économies à une pénurie d’épargne et nos États à la faillite. Cette perspective aurait sans doute déjà poussé les taux d’intérêt d’un certain nombre pays, non pas à zéro mais sur des sommets, sans les achats massifs de dettes souveraines par les banques centrales. Alors, le bas niveau des taux d’intérêt s’explique-t-il par un processus naturel ou par l’impérieuse nécessité de contrer ces risques majeurs ? Le débat n’est pas tranché. C’est pourtant bien de la réponse à cette question que dépendent la façon d’appréhender l’avenir et, par là-même, les choix de politiques économiques les plus appropriées à la situation présente.

 

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